Contemplation évangélique

 

1. Déroulement de la prière de contemplation évangélique

 

En quittant ses disciples à l’Ascension Jésus leur a dit « Et moi, je suis avec vous, pour toujours, jusqu’à la fin du monde » : ce sont les derniers mots de l’Evangile de Matthieu. Jésus leur signifiait ainsi que, même quand ils ne le verront plus, ils peuvent être sûrs de sa présence avec eux. Et nous aussi nous croyons que Jésus est invisiblement présent avec chacun de nous à chaque instant mais, la plupart du temps, nous n‘en prenons pas conscience.

Quand nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu, quand nous contemplons un récit évangélique, nous ouvrons en nous un espace de rencontre consciente avec Dieu. Dieu, lui, nous est déjà présent et St Ignace nous invite d’ailleurs à « considérer comment Dieu notre Seigneur me regarde » lorsque je me dirige vers mon lieu de prière. C’est pourquoi, avant de commencer la prière guidée nous prenons le temps de nous rendre d’abord bien présent à nous-même ici et maintenant, puis nous prenons conscience de la présence de Dieu qui nous attend et nous sommes invités à laisser monter en nous le désir de le rencontrer.

La prière contemplative telle que la propose St Ignace en 2e semaine des Exercices peut m’aider à me rendre disponible à une rencontre consciente avec Dieu à partir d’une scène biblique ou d’un événement de ma vie quotidienne. La contemplation s’appuie sur la foi en la parole de Jésus ressuscité qui nous a assurés de sa présence, ouvre les yeux et les oreilles du cœur et permet ainsi d’entrer dans une relation vivante avec le Père, Jésus, ou l’Esprit Saint, présent ici et maintenant avec moi.

Ce sont toutes mes facultés qui sont mises en jeu : Ma mémoire et mon imagination vont m’aider à me représenter les lieux, les personnages, les bruits, les paroles échangées.

Ma sensibilité va entrer en jeu dans la perception du climat, de l’ambiance, mais surtout lorsque je me rends attentif aux émotions ressenties. Je vais alors pouvoir éveiller mes sens intérieurs à la présence de Dieu, de Jésus, prendre conscience de la place où je me situe par rapport à lui, des sentiments qui m’habitent face à lui. C’est toute mon affectivité qui est mobilisée dans ma prière. Je peux alors entrer dans ce que St Ignace appelle le colloque : « parler avec Dieu comme un ami parle à son ami ». C’est à une relation d’amitié à laquelle je suis invité et c’est avec tout ce que je suis, avec tout ce qui fait ma vie que je peux vivre cette rencontre.

Mon intelligence et ma volonté vont m’aider ensuite à réfléchir pour « tirer profit » de ce que j’ai contemplé, en cherchant en quoi et comment cette Parole éclaire ma vie.

À l’Ecole de prière nous vous proposons d’entrer dans la démarche contemplative en plusieurs étapes : la prière guidée, la prière personnelle, la relecture de la prière et la contemplation en groupe : La prière guidée va m’aider à entrer progressivement dans la contemplation en me proposant d’utiliser progressivement tous mes sens, en m’invitant à porter plus particulièrement mon attention sur Dieu tel qu’il se révèle à moi, en étant attentif aux sentiments qui m’habitent. C’est un parcours balisé qui est proposé dans le but de conduire à rencontrer avec Dieu : j’en prends donc ce qui m’aide et ne me tracasse pas d’en perdre le fil.

Durant le temps de prière personnelle, je peux prolonger le dialogue avec Dieu mais aussi revenir à l’un ou l’autre moment de la prière guidée où je me suis senti touché plus particulièrement pour prendre le temps de goûter le réconfort reçu ou d’accueillir une interpellation, creuser avec le Seigneur une question soulevée et ainsi me rendre réceptif à ce que Dieu veut me montrer aujourd’hui.

Dans les petits groupes nous sommes d’abord invités à une relecture de ce qui s’est vécu durant notre prière. C’est aussi une trouvaille de St Ignace pour que notre prière de reste pas une pieuse parenthèse dans notre vie.

Il s’agit de relire ce qui s’est passé durant le temps de prière afin de prendre plus clairement conscience :

  • De ce qui m’a aidé ou, au contraire, m’a empêché d’entrer en relation avec Dieu : je pourrai ainsi progressivement trouver ce qui me convient le mieux pour vivre mes temps de prière.(Je peux remarquer, par exemple, que changer de lieu pour la prière personnelle a vraiment coupé ma prière ou, au contraire, que ce qui m’aide c’est d’aller prier dans une des chapelles.)

  • De l’importance de la rencontre que j’ai vécue avec Dieu, de la façon dont il est avec moi, des sentiments que j’éprouve pour lui.

Mais aussi, de prendre conscience :

  • De ce qui m’a touché, ce qui m’a apporté du réconfort ou, au contraire, ce qui m’a troublé : qu’est ce que je découvre à travers ce que le Seigneur m’a montré ? Quelle est la grâce qui m’est offerte ? Peut-être serait-il bon que j’y revienne dans un prochain temps de prière.

  • De ce qui s’est éclairci pour moi à travers la prière : une meilleure compréhension, une réponse à une question que je portais, ou une interpellation qui vient me surprendre,….

  • Tout cela va m’aider à voir comment ma prière rejoint ma vie pour l’interpeller, parfois l’éclairer, lui donner du sens, l’orienter pour mieux aimer et servir Dieu et mon prochain.

Vient ensuite le temps de la contemplation en groupe où chacun partage aux autres la manière dont Dieu s’est révélé à lui. A travers le partage des autres je suis invitée à accueillir d’autres facettes du visage de Dieu, à contempler Dieu tel qu’il se donne à voir, à entendre, à toucher par d’autres et cela va enrichir ma prière, peut-être la relancer.

  • Je choisis toujours librement ce que je désire partager dans le groupe. Parfois dans la prière certains aspects de ma vie intime ont été touchés et je ne désire pas en parler dans un groupe : il est peut-être bon de réserver ces domaines de ma prière pour l’accompagnement individuel et de rester beaucoup plus sobre dans le partage en groupe.

  • Ce qui est partagé dans le groupe est confidentiel : c’est un cadeau qui est fait dans la confiance et qui n’attend pas de commentaires ni de bons conseils. C’est un partage d’expérience, pas un lieu pour discuter, ni pour résoudre des problèmes, ni pour porter secours à quelqu’un. Ce qui a été partagé dans le groupe ne doit pas non plus être raconté à l’extérieur.

  • Je peux choisir de ne pas parler et je le dis simplement.

  • Lorsque je m’exprime, c’est mon expérience de prière que je partage et donc je parle en « je » : comment Dieu s’est révélé à moi, ce que j’ai perçu de lui, comment j’ai ressenti sa présence. Il ne s’agit pas d’entrer dans des considérations générales ou des réflexions théologiques. Je dois veiller aussi à ne pas monopoliser la parole afin que chacun ait l’occasion de partager.

  • Le partages se fait en plusieurs tours en fonction du temps disponible. Au premier tour chacun partage son expérience de prière à tour de rôle. Au deuxième tour ceux qui le désirent disent en quelques mots un visage de Dieu qui les a touchés dans le partage des autres. Chacun est ensuite invité à se demander : « comment le Seigneur m’invite à poursuivre ma prière ? » et, si on a le temps, on le partage brièvement dans un 3e tour.

Nous terminerons la rencontre en grand groupe et nous vous donnerons quelques petits conseils pour poursuivre la route chez vous durant la quinzaine.

 

2. Rôle de l'imagination

Selon le Petit Robert "l’imagination est 1. la faculté que possède l’esprit de se représenter des images ; connaissances, expérience sensible 2. la faculté d’évoquer les images d’objets qu’on a déjà perçus 3. la faculté de former des images d’objets qu’on n’a pas perçus ou de faire des combinaisons de nouvelles images. »

Grâce à la mémoire, nous pouvons garder le souvenir de ce que nous avons vu, entendu, perçu, ressenti et nous constituer ainsi une formidable banque de données. L’imagination va pouvoir puiser dans ce trésor. Notre imagination n’est pas souvent au repos et nous nous en rendons compte lorsque nous voulons prendre un temps de silence pour rencontrer le Seigneur dans la prière : c’est souvent alors que remonte dans le désordre les souvenirs des événements de la veille ou les mille et un projets et soucis pour les jours qui suivent. C’est pourquoi Ste Thérèse d’Avila appelait l’imagination la « folle du logis », constatant que ce n’est vraiment pas évident de la faire taire un peu longtemps lorsqu’on le désire. De nombreuses techniques de méditation visent à la faire taire, notamment les techniques orientales.

  • L’approche de St Ignace avec l’imagination est assez différente : au lieu d’essayer en vain de la faire taire, il nous propose de l’embaucher au service de la rencontre avec le Seigneur. Il nous propose de convertir la perturbatrice en alliée précieuse.

Dans les Exercices il invite en effet le retraitant à « exercer les 5 sens de l’imagination » (c.à.d. la vue, l’odorat, l’ouïe, le toucher, le goût)(121) à « contempler en détail » (122), à « écouter ce qu’ils disent ou peuvent se dire » (123), « à goûter l’infinie douceur et suavité de la divinité » (124), « à embrasser et baiser les lieux ou les personnes » (125) et tout cela en vue de tirer profit de la contemplation évangélique. Il nous invite ainsi bien clairement à faire appel à la mémoire de perceptions et d’expériences antérieures pour que la scène contemplée devienne de plus en plus vivante et concrète à notre esprit.

P. ex. Lorsqu’il nous invite à contempler la grotte de la Nativité (112) il n’a pas le souci de nous donner des détails justes sur les lieux en s’appuyant sur des études historiques ou exégétiques, mais il nous propose de nous la représenter assez librement « grande ou petite, basse ou élevée ». Il est clair que pour lui, l’important n’est pas que notre représentation soit conforme à la réalité d’il y a 2000 ans mais bien plutôt que nous ayons une image concrète et vivante du décor pour pouvoir plus réellement vivre la scène. Il nous invite d’ailleurs (114) à y entrer bien concrètement « Et moi, me faire un petit pauvre, et un petit esclave indigne, qui les regarde, les contemple et les sert dans leur besoins, comme si je me trouvais présent… »

Notre imagination se trouve donc ainsi embauchée pour créer le décor qui va permettre une rencontre authentique avec le Dieu vivant qui me rejoint ici et maintenant. « L’invitation d’Ignace de voir…ne veut pas exciter la curiosité chercheuse de l’imagination (sinon elle tourne en rond, autour d’elle-même) ou exhorter à une recherche du détail descriptif comme pour la peinture d’un tableau figuratif, mais principalement pour assurer le sentiment de présence de l’Evangile comme événement maintenant. »(P-H Kolvenbach in CIS, vol XVIII 1987:1 54)

" Le travail sur l’imagination ouvre la personne à sa capacité d’être affectée, car l’imagination est de structure affective. Elle nous invite à nous positionner : et moi où suis-je dans cette scène ? qu’est-ce que je ressens ? est-ce que j’entends ? que me dit ce que je vois, ce que je ressens ? Les images n’ont donc pas de but en soi, ce ne sont pas de belles constructions de qqn qui rêvasse. Une fois que l’image m’a mise en contact avec Dieu, elle se retire, elle n’est plus importante, car maintenant je développe et goûte SA PRESENCE

L’imagination va ainsi me permettre de me rendre présent avec toutes les dimensions de mon être à une situation évangélique grâce à laquelle Jésus ressuscité me rejoint dans le concret de ma vie personnelle d’aujourd’hui. La relation affective qui s’établit progressivement avec lui pourra transformer ma vie.

Attention : certaines personnes sont plus « visuelles », d’autres plus « auditives », ou encore davantage « touchés par une atmosphère »,etc. Se poser la question : quelle est MA porte d’entrée en prière, mais aussi comment développer d’autres sens qui me sont moins familiers ?

Le rôle de l’imagination est donc de nous permettre d’être affectés par la scène contemplée afin d’y rencontrer Dieu.

JMB 08/2008

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