4. Discerner l’origine des paroles surnaturelles
Certains soupçonnent les paroles surnaturelles de n'être que des projections humaines. De son côté, l’Ennemi du genre humain essaie de se glisser là pour troubler et faire dévier du chemin. Il nous faut donc tenir compte et de l’œuvre du Malin et de notre inconscient. Posséder quelques critères de discernement semble bien utile ; il y a notamment les critères proposés donnés par Thérèse d'Avila et ceux formalisés dans les règles du discernement spirituel d’Ignace de Loyola.
Par ailleurs, à la suite des Pères de l'Eglise et particulièrement des Pères grecs, il faut tenir compte de l'apport de la sagesse humaine et, actuellement, des sciences humaines. Freud a exploré puis théoriser le fonctionnement de l’inconscient. Tout familier de l'Evangile, tout disciple du Christ ne peut se contenter d'un certain sibyllisme dans sa vie spirituelle : ne lui arrive-t-il pas plus souvent qu’à son heure de poser des actes ou d'avoir des pensées contraires à ses intentions ?
Quelques critères
1. La simplicité, la clarté ou la netteté des paroles
« Mes brebis entendent ma voix » dit Jésus lui-même. En effet, quelqu'un qui a l'habitude de la voix du Berger, reconnaît le ton, le style et le contenu qui lui est propre. Clarté sereine, simplicité, netteté. Une parole authentique du Sauveur ne rend pas le même son que les échos du subconscient ou les imitations de l’Adversaire. Dans chacune de ses paroles, on sent un point ferme de repos, quelque chose qui met un terme aux incertitudes ou aux débats. Lorsque Dieu parle, c'est toujours simple, clair, net.
Thérèse d'Avila dit ceci: « Les paroles intérieures sont parfaitement distinctes, l'âme, c'est-à-dire la personne, les entend d'une manière beaucoup plus claire que si elles arrivaient par les sens. Les paroles intérieures sont prononcées par une voix si claire qu'on ne perd pas une syllabe de ce qui est dit. Le plus souvent au contraire, les paroles venues de l'imagination sont indécises, sans consistance, la phrase hésite et ne s'achève pas » (ceci est extrait de la Vie de Thérèse écrite par elle-même).
Ce qui vient de Dieu est clair, ce qui vient des facultés humaines est imprécis et même confus, ce qui vient de l’Ennemi est troublant.
2. La majesté des paroles leur donne autorité
Majesté. Ce terme qui nous est peu familier est de Thérèse d'Avila: la majesté, c'est ce que nous disons quand nous louons Dieu pour sa grandeur: « Tu es Grand Seigneur, éternellement ». A la fois, nous goûtons l'intimité, la présence intérieure de Dieu et nous savons en même temps que notre Dieu est transcendant, qu'Il est le Tout Autre, qu'Il dépasse infiniment toute créature. Thérèse écrit:
« Ces paroles sont parfois accompagnées de tant de majesté, que, sans considérer (= sans réfléchir davantage), nous ne pouvons faire autrement que de trembler quand elles nous reprennent de nos fautes et de fondre d'amour quand elles nous témoignent de l'amour. »
Cette majesté confère autorité, au sens évangélique, aux paroles reçues … à ne pas confondre avec « autoritarisme ». C'est l'autorité au sens évangélique qui offre la croissance aux enfants du Père. « Jésus parlait avec autorité ».
Citons toujours Thérèse:
« Les paroles intérieures s'imposent et domptent toute résistance, elles forcent à écouter. Etant souverainement indépendantes de notre vouloir, elles obtiennent de notre entendement une attention parfaite à tout ce que Dieu veut dire. La crainte d'être trompée m'a fait résister plus de deux ans à ces paroles intérieures et maintenant encore, j'essaie de temps en temps de résister, mais sans grand succès ».
Respect de la liberté. La force de ces paroles s'imposent sans violer la liberté, c'est la marque de Dieu de respecter notre liberté. En entendant ces paroles, nous n'hésitons pas, nous ne doutons pas qu’elles soient de Dieu. Le doute, s'il survient, apparaît dans un second temps qui est le nôtre et plus celui de Dieu. Thérèse vit l'expérience et ce n'est qu'e secondairement qu'elle craint d'être trompée et génère un doute.
Saint Jean de la Croix donne une précision concernant les paroles qui invitent à une mission et proposent une tâche à accomplir au service de Dieu : « Les paroles sont reçues sans que l'on sente une pression en nous, elles nous laissent entièrement libres ». A titre d’exemple, Jeanne d'Arc a mis trois ans, après avoir entendu "ses voix", pour se décider à se mettre en route. Pendant trois ans, les voix lui disaient: « Pars, sauver le Royaume de France ». Elle était si libre qu'elle a mis trois ans pour se décider.
Certitude. Au moment où l'âme entend ces paroles, dit Thérèse, elle n'hésite pas. Elle mourrait pour en attester la vérité. Quelque effort que fasse le Démon pour l'attrister ou la décourager et quoi que son imagination lui représente, elle demeure ferme dans la créance que Dieu en est l'auteur, principalement quand ces paroles regardent son service ou le bien des âmes ou qu'il paraît difficile que les choses réussissent. C'est donc plus tard seulement que le doute peut s'installer mais pas pendant l'écoute de la Parole, puisque Thérèse va jusqu'à affirmer qu'on mourrait si l'on nous demandait de dire que cela ne vient pas de Dieu.
Paix. Les sentiments qui nous habitent quand nous écoutons ces paroles viennent de Dieu :
« Nous ressentons tranquillité, paix, recueillement, louange, dit encore Thérèse, tandis que si c'est l'Ennemi, il y a inquiétude et trouble »
3. La science instantanée
Nous en avons donné un exemple dans les paroles intellectuelles qui ont transformé la vie d'Ignace, de Loyola. Lorsque c'est Dieu qui parle, dit encore Thérèse d’Avila, « sa Parole nous instruit en un instant et nous fait comprendre des choses que nous ne pourrions coordonner en un mois ».
En lisant l'autobiographie d'Ignace, on voit que ce qui est donné en un instant se déploie au fil de toute une vie. Car le sens des paroles reçues est bien plus riche que toutes nos petites idées à propos de Dieu et des choses de l'homme, cela les dépasse et c'est sans proportion avec tout ce que nous pourrions penser par nous-mêmes.
4. Les effets de ces paroles sur l’attitude intérieure
Ecoutons Thérèse d'Avila:
« Quand les paroles divines conseillent ou ordonnent une disposition intérieure, elles produisent en même temps ce changement dans l’âme : ces paroles sont dites agissantes. »
Thérèse ajoute même que c'est la marque la plus évidente, la « blessure » pratiquée par Dieu pour qu'on puisse dire que la parole intérieure est parole venant de Dieu.
5. Le souvenir persistant
Une marque à laquelle on reconnaît que les paroles viennent de Dieu : elles demeurent gravées dans la mémoire sans s'effacer. Ceux qui en ont l'expérience peuvent faire la différence avec leurs propres paroles ou celles de l'Ennemi. Pour nous rappeler ces dernières, nous forgeons nous-mêmes les mots, les expressions et les phrases qui véhiculeront les pensées reçues. Quand la parole vient de Dieu, elle arrive soudain, avec clarté et s’inscrit profondément en soi.
Il y aurait sûrement d'autres critères.