Qu'appelle-t-on guérison intérieure ?
« Rien n’est plus malade, en ce moment précis de notre temps, que l’intelligence, rien n’est moins aimé que la vérité ; aussi faut-il en parler. » Jean Daniélou [1]
La guérison : un désir légitime
L’instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur 'Les prières pour obtenir de Dieu la guérison' [2] reconnaît que :
« La soif du bonheur profondément enracinée au coeur de l’homme, a toujours été accompagnée du désir d’obtenir la libération de la maladie et d’en saisir le sens quand on en fait l’expérience. Il s’agit là d’un phénomène humain qui, d’une façon ou d’une autre, concerne chacun et trouve une résonance particulière dans l’Église. Non seulement la prière des fidèles qui demandent leur guérison ou celle d’un autre est louable, mais l’Église, dans sa liturgie, demande au Seigneur la santé des malades. La prière qui implore le rétablissement de la santé est donc une expérience présente à chaque époque de l’Église, et naturellement à notre époque actuelle ».
De fait, on parle beaucoup aujourd’hui de « guérison intérieure ». Il ne s’agit pas d’un nouveau concept, mais son regain d’intérêt [3] trahit une préoccupation profonde de notre temps.
Derrière un optimisme de façade, l’humanité de ce début de millénaire a la conscience aiguë d’être « malade », ou du moins d’avoir besoin de « guérison ». L’un implique l’autre, mais la seconde formulation est moins traumatisante pour décrire le sentiment d’avoir perdu le « welfare » – le bien-être - c’est-à-dire non seulement la santé physique, sur laquelle se penchent les médecines anciennes et nouvelles, mais aussi la santé psychique, et surtout spirituelle.
Clarification du terme « guérison intérieure »
a) « Guérison »
La notion de guérison suppose la normalisation progressive d’une situation défectueuse, appelée maladie. Celle-ci n’est pas une chose ou un état « en soi », mais résulte d’un rapport déficient à la vie, dans une ou plusieurs de ses composantes : physique, psychique ou spirituelle.
Si nous concédons que la vie est essentiellement relationnelle, la maladie peut alors être interprétée comme la conséquence d’un déficit relationnel :
► Un déficit de relation entre les organes de mon corps, ou entre mon corps et son environnement ;
► Un déficit dans le réseau relationnel qui me constitue en tant que personne ;
► Un déficit dans ma relation à Dieu.
Auquel cas, la guérison, qu’elle soit physique, psychique ou spirituelle, résultera toujours d’une restauration de la capacité relationnelle, d’une mise en relation qui permet à la vie de reprendre son cours et de porter son fruit.
Nous pourrions dire que la guérison fait oeuvre de réconciliation : restauration des relations physiques, des relations interpersonnelles et de la relation avec Dieu.
b) « Intérieure »
Le qualificatif « intérieure » qui précise le terme de « guérison », doit être pris dans un sens spécifique : il veut signifier que le parcours que nous proposons est un cheminement spirituel de conversion, au cours duquel nous demandons à Dieu de nous rétablir pleinement en relation avec Lui, de nous fortifier dans le combat spirituel, de lever nos résistances à l’Esprit Saint, afin de pouvoir pleinement répondre à son appel.
Corrélativement, le terme de « blessure intérieure » désigne alors toute forme d’obstacle qui affecte notre relation à Dieu, qui nous empêche d’accueillir pleinement la vie surnaturelle qu’Il veut nous donner, de vivre dans la charité, et de réaliser les oeuvres qu’Il nous confie.
Ambiguïté du terme
Ce qui précède fait déjà apparaître l’ambiguïté de la terminologie, car la vie psychique est également « intérieure » ; or la démarche proposée ne s’intéresse qu’à l’intériorité spirituelle. Il faudrait donc utiliser un terme plus précis, comme par exemple : retraite de « guérison spirituelle ». De fait, c’est bien la terminologie que nous essayons d’introduire, mais il n’est pas facile de corriger une dénomination qui est entrée dans les habitudes, même si elle s’avère ambiguë !
Les raisons de l’ambiguïté
La démarche est en réalité plus complexe que ce que nous venons d’esquisser – ce qui peut expliquer que cette terminologie défectueuse ait la vie dure. Il est indéniable en effet qu’en raison de l’unité de la personne humaine, toute guérison spirituelle a des répercussions psychiques ; et que la guérison spirituelle passe dans bien des cas par une élucidation de problématiques psychiques qui interfèrent avec la vie spirituelle. On argumentera dès lors que la terminologie : « guérison intérieure » ou « psycho-spirituelle » a l’avantage d’inclure cette interaction entre les niveaux psychiques et spirituels.
L’ambiguïté subsiste néanmoins sur la nature de la démarche, que ces termes ne précisent pas suffisamment. Il est sans doute souhaitable d’annoncer clairement l’objectif envisagé ainsi que la méthode utilisée.
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Si la finalité est psychique, les moyens doivent l’être également ; une éventuelle répercussion spirituelle n’est alors qu’accidentelle. Auquel cas il s’agit d’une démarche psychothérapeutique, réservée aux thérapeutes diplômés, c’est-à-dire reconnus pour leur compétence en la matière.
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Si la finalité est spirituelle, les moyens doivent l’être également ; cette fois ce sont les répercussions psychiques qui sont accidentelles. Les compétences nécessitées pour cette démarche sont spirituelles, ce qui implique non seulement une connaissance de la Révélation chrétienne et une expérience de la vie théologale, mais également une bonne connaissance de l’être humain, terme de la Révélation divine.
Suite p. 2
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[1] J. Danielou, card., Scandaleuse vérité, Arthème Fayard, coll. « Les idées et la vie », Paris, 1961, p. 10.
[2] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur Les prières pour obtenir de Dieu la guérison, 14 septembre 2000 ; DC 2238(2000)1061-1066. [
3] Même en dehors du contexte d’une recherche narcissique de bien-être (cf. Nouvel Age).
[4] C. Flipo, « La parole qui guérit », dans Christus, n°159, juillet 1993, Assas-Editions.
[5] V. Soloviev, Leçons sur la divino-humanité, trad. B. Marchadier, Cerf, coll. « Patrimoines orthodoxie », Paris, 1991, pp. 17 ; 25.
[6] Plutôt que de « guérison psycho-spirituelle » ou « intérieure » pour éviter l’ambigüité que nous avons dénoncée plus haut.